Le bon assaisonnement
Écrit par Seb   
Samedi, 30 Novembre 2013 18:18

Du 24 au 29 novembre 2013: Oruro-Uyuni par les salars de Coipasa et Uyuni

Au menu des histoires de sable, d'eau, de sel, de cactus et de buen vivir (exceptionnellement un peu longuet).


On rentre dans le vif du sujet (expression certainement d'origine chirurgicale) rapidement car après 40km, fini le béton lisse et rapide, place à la pise de terre, cailloux, gravette ou sable (mélanger les ingrédients). Pour ceux qui ne connaissent pas, le passage répété de véhicules forme de la "tôle ondulée", plus ou moins creusée et dure. L'enfer quotidien du vélosacocheux, en somme... Le keu consiste à slalomer de gauche à droite pour rouler à l'endroit le moins pire, tout en gardant à l'esprit qu'être sous le vent au moment du passage d'un bus/camion/4x4 va te recouvrir d'une bonne couche de poussière supplémentaire et t'empêcher de respirer pendant quelques secondes. Ahhh ce bon goût de poussière toute la journée dans le bouche! Mais le graal infernal est atteint quand en plus de la tôle ondulée, il y a du sable où le vélo s'enlise: il faut alors choisir entre entretenir les petits désagréments fessiers dus aux chocs répétés (ça va mieux pour Julie avec sa super tige de selle suspendue) et risquer le scotchage voir la chute dans le sable. Que du bonheur donc!

Maudit sable qui, aux alentours du village au doux nom d'Esmeralda, nous empêche de trouver un SAB (spot à bivouac) digne de ce nom. On prend alors notre courage à deux mains et on va demander où dormir dans le village. Les ouvriers sur qui nous tombons nous ouvre une pièce de la mairie en construction, où ils résident en vrac pendant une semaine, le temps de poser des canalisations d'eau dans le secteur. Julie en profite pour faire l'infirmière et soigner le doigt tranché d'un des gars, dans un état sympathique...


Après Sabaya c'est un peu l'inconnu: on ne sait pas dans quel état va être le salar de Coipasa, réputé spongieux. J'ai un peu peur de retrouver les vélos dans un sale état après avoir pataugé dans 30km de sel mouillé! On louvoie un peu pour trouver une entrée valable, puis ô miracle les conditions sont quasi parfaites: c'est sur-lisse, ça dépote! A un moment on croise une voiture visiblement en panne, tous portes, cofre et capot ouverts. On salue le gars puis on fait une pause un peu plus loin. Puis on voit la voiture revenir vers nous, et le gars vient nous demander de l'eau. L'eau, si précious dans ces contrées arides... on en trimballe jusque 20 litres parce que "on ne sait jamais" (Julie). Julie lui tend sa bouteille et le type commence à la vider sur son pare-brise opaque de sel. "Aaaarglllll, nooooon!!!" Montrons-lui que quelques gouttes suffisent...  *


Le lendemain, après une nuit en bord de salar plus agitée que prévue, c'est une journée en enfer: 50 km à 10 de moyenne dans le sable ; il faut parfois pousser un peu, c'est donc bien cuit qu'on arrive au gros village de Llica. On trouve un almuerzo (le menu du midi: soupe, plat et parfois dessert) in extremis car il est tard, puis une chambre dans la mairie (!). A Llica, les murs des maisons sont placardés de petits panneaux explicant en une phrase ce qu'est la "vie bonne": "Vivre bien, c'est vivre propre et rangé", "Respecter la Pachamama, c'est ne pas jeter les ordures dans la rue", etc... il y en a partout, des dizaines!  **


La suite, c'est la traversée du salar d'Uyuni: magique, unique. Du blanc (beige), du bleu, des montagnes et des îles au loin. Selon les zones, ça roule plus ou moins bien, mais c'est loin d'être le truc supra lisse qu'on a tendance à nous vendre! Pour nous, hors de question de rouler ailleurs que sur les "pistes" des 4x4, il faut être fada comme Eric et Lydie pour faire ça. L'arrêt sur l'île Incahuasi coupe la poire en deux et vient donner du grain à moudre pour la salière. Cette île, c'est un SAT (70000 touristes par an, soit 200/jour avec des pointes à beaucoup plus car le salar est inondé pendant quelques semaines) qui affluent en 4x4 pour en faire la visite sur un joli petit sentier aménagé au milieu des cactus. L'endroit est splendide, et l'aménagement plutôt réussi (un restau, un musée/échoppe à souvenirs et un bouiboui où vivent les célèbres Don Alfredo et sa femme, premiers habitants de l'île installés voici 25 ans). Du sommet, on peut même admirer un gonze pendu dans un harnais à 20m du sol, traîné derrière un 4x4; où bien encore des touristes se faisant prendre en photo à poil sur le salar...

On s'installe au restau et on commande deux menus (à 3 fois le prix habituel), 1h d'attente. Défilent alors les guides avec leurs clients, servis rapidement. Au bout d'1/2h, on nous dit qu'il ne reste que de la soupe à prix d'or, ce qui est évidemment faux. Bien sûr on proteste, c'est quoi ces conneries... un guide a visiblement compris et nous emmène au boui-boui chez la petite dame très gentille. On lui raconte et nous dit que les gens du restau sont des escrocs, qu'ils piquent l'argent des touristes. Hélas, elle fait pareil à ceux qu'on voit passer pendant notre attente de l'aprèm, et nous fait payer notre tisane "Flor del amor" beauuuucoup trop cher; pourtant on avait bien rempli le livre d'or des cyclistes qui passent ici (plusieurs centaines par an)... La légende dit que la petite dame et son mari offraient l'hospitalité aux cyclistes, mais qu'on leur aurait interdit depuis quelques temps; nous on part déçus, et on se dit que c'est une drôle de vie de voir passer à longueur de journée des japonais, européens et américains prendre des poses débiles dans des accoutrements adaptés au désert et au soleil (mini short, tongues, doudounes...).


17h, le soleil se calme et le vent se lève comme la veille, pile dans la bonne direction. On fonce alors sans forcer vers notre bivouac sur le salar, à la belle car le sel est trop dur pour planter les sardines, et le vent ne se calme que bien après le coucher du soleil. Couchers et levers de soleil en pareil endroit sont des moments rares, on savoure et on fait des photos (vous les verrez peut etre un jour!). Le lendemain on finit le boulot (ça tape, le salar est défoncé, et il faut éviter les trous où on voit l'eau) et on relie Uyuni pour 1.5 jours de repos où on se fait plaisir sur la bouffe. Encore un SAT, c'est d'ici que les touristes partent faire les tours de 4x4 vers le sud Lipez. Nous on va prendre l'itinéraire bis: Tupiza au sud de la Bolivie, puis la sauvage cordillère des Lipez jusqu'à San Pedro de Atacama au Chili, ce qui devrait bien nous prendre trois semaines. Des nouvelles à Tupiza où on devrait se reposer/préparer mentalement quelques jours!



* Puisqu'on voyage léger (Julie a 2 sacoches+sacoche guidon, et moi 2 sacoches+sacoche guidon+boudin+ loutre d'eau de 5l dans le cadre), on trimballe de quoi prendre une douche tous les soirs! On a donc besoin de 7l d'eau par tête et par jour tout compris. En mode économie d'eau, on a 2.5 jours d'autonomie, ce qui s'avère laaaaargement suffisant quand on croise un village tous les 20km... mais "on ne sait jamais"! (dans le sud lipez, ça ne sera surement pas la même)


** On pourra appeler ça de l'éducation populaire ou du paternalisme. Cela désenchante pas mal le concept de "buen vivir" (bien vivre) inscrit dans la Constitution bolivienne à l'initiative (entre autres) du président actuel Evo Morales, et qu'une certaine gauche française adule (Paul Ariès, JL Mélenchon). Si cela peut être un socle de projet politique fédérateur (qui pourrait être contre vouloir bien vivre, respecter son prochain, prospérer en harmonie avec la nature, partager les richesses -ah si, ça on peut etre contre-, égalité entre les ethnies, égalité homme/femme etc...), il ne faut pas non plus tomber dans l'idéalisation. Ce qu'on voit, c'est une Bolivie (pays le plus pauvre d'Amérique du sud) à deux vitesses avec des citadins assez riches qui transpirent l'Occident et des gens pauvres (au faciès indien) dans la rue et les campagnes. On a vu des quechuas méfiants (pour ne pas dire hostiles) aux étrangers; on a vu ce que donne le tourisme de masse (toujours la même rengaine). Donc buen vivir peut être, mais buen vivir capitaliste, productiviste, et je cherche ce qu'il y a de socialiste (lire un exemple dans le Monde diplo de novembre au sujet du Venezuela). Le tableau, même gris, comporte bien des zones blanches comme l'intégration politique réelle des minorités indiennes, mais ces minorités ne semblent pas avoir la même vision du buen vivir.

Je vous épargne les histoires du lithium, Eric (lien plus haut) s'en est chargé ; cela m'étonnerait aussi que la manne ne soit pas exploitée, dans un pays aux infrastructures en développement. Je vous ai déjà dit qu'il y avait une histoire comparable au Tibet? La géopolitique est vraiment passionnante...


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+/- Commentaires
Cyrilou  - Bande de chanceux !   |02 Déc 2013 15:53
Bien, bien tout ça... Ahhh, les vacances, ce n'est pas toujours une partie de plaisir mais on devine que vous prenez votre pied quand même... et c'est bien là l'essentiel !

Y'a plus qu'à attendre 3 semaines...
Amanda   |03 Déc 2013 21:12
Et moi qui rêvais de voir enfin les Sebuju nus sur leurs montures
J'en connais un qui dirait 'A poil les Sebuju!!'
Quant à une nuit à la belle sur le salar....
On attend la suite

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